Quel est l’impact de l’IA pour la fonction finance ?

Qu'est ce que l'IA ?

L’intelligence artificielle bouleverse peu à peu tous les métiers de l’entreprise, et la fonction finance n’y échappe pas. Automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, détection de fraudes, prévisions financières, évaluation des risques : les cas d’usage se multiplient, portés par l’essor de l’analyse prédictive et l’émergence de l’IA générative.

Mais au-delà des promesses technologiques, une question centrale se pose : comment intégrer l’IA de manière pertinente et sécurisée dans les processus financiers ? Et surtout, à quelles conditions cette intégration peut-elle vraiment améliorer la performance des équipes et la fiabilité des décisions ?

Dans cet article, nous explorons les apports concrets de l’IA en finance d’entreprise, ses limites actuelles, et les bonnes pratiques pour réussir son adoption, en nous appuyant notamment sur l’éclairage d’Éloi Mehr, spécialiste de l’intelligence artificielle.

L’IA va-t-elle améliorer le quotidien et les performances des services financiers en entreprise ?

L’IA peut incontestablement améliorer le quotidien et les performances des services financiers, à condition d’être bien utilisée. Si l’IA générative reste encore peu fiable pour des analyses complexes de documents comptables ou financiers, elle peut déjà soulager les équipes en automatisant certaines tâches répétitives, comme la mise à jour de rapports existants.

En revanche, l’analyse prédictive est aujourd’hui pleinement opérationnelle. Elle permet de détecter les fraudes, d’évaluer les risques clients, de modéliser la trésorerie ou encore d’anticiper les comportements d’achat.

Pour tirer le meilleur de ces technologies, il est essentiel de commencer par une démarche Lean rigoureuse : comprendre les processus via le Gemba, structurer les données, identifier les causes d’erreurs avec des outils comme le DMAIC ou les Poka-Yoke. L’IA n’est pas une baguette magique, mais un levier puissant à activer après avoir fiabilisé l’existant.

L’interview d’Eloi Mehr, spécialiste en intelligence artificielle

Éloi Mehr, Docteur en mathématiques appliquées, spécialiste en intelligence artificielle, nous parle des applications de l’IA pour la fonction finance.

Quelles applications voyez-vous de l’IA générative dans la fonction finance ?

Concernant les thématiques d’investissement, par exemple, l’analyse de rapports d’entreprises, l’IA ne s’avère pour le moment pas très performante. Il existe bien sûr déjà des extractions de chiffres des bilans et comptes de résultat provenant de documents au format PDF. Mais, pour aller plus loin, dans l’analyse des annexes dans lesquelles se cachent beaucoup de détails importants sur les manières de comptabiliser les choses, l’IA générative se tromperait complètement dans sa synthèse. Ça nécessite des capacités de raisonnement très poussées. En effet, il y a dans ces rapports trop de détails demandant de faire des liens avec des normes et avec un contexte historique et macro-économique qui ne sont pas explicités dans le document. Concernant les thématiques relevant d’un département financier, l’IA générative pourrait cependant servir à écrire des parties qui ne sont que des réactualisations de rapports précédents, car on saurait alors la contraindre par ce contexte existant.

En revanche, sur les processus d’entreprise, l’IA peut s’avérer très puissante et avoir un impact sur toutes les organisations, dans toutes les entreprises. Design, code informatique, problématiques légales, réponses utilisateurs, marketing, documentation, veille stratégique, et j’en passe. Un large panel de possibilités est ouvert et les applications de l’IA vont aller en augmentant. Comme elle a beaucoup d’applications, cela va affecter autant les clients que les fournisseurs, par exemple, les entreprises confrontées à un grand nombre de demandes utilisateurs (Auchan) hors problèmes particuliers que l’IA n’a jamais vu.

L’IA générative peut s’avérer très intéressante pour l’analyse de données spécifiques, mais la sécurité et la confidentialité des données posent un frein sérieux à son utilisation.

Quelle importance donneriez-vous à l’analyse prédictive dans les processus financiers ?

Au contraire de l’IA générative, l’analyse prédictive a une maturité qui lui permet d’être déjà utilisée au service de la fonction finance, même si cette transformation digitale n’en reste qu’à son début. Elle est un outil d’aide à la décision qui permet d’utiliser un grand nombre de données pour fiabiliser un processus. Elle est donc particulièrement utile au sein d’une entreprise déjà bien établie, et où il y a du sens à analyser toutes les données historiques.

Prenons quelques exemples. L’analyse prédictive est très utilisée dans la détection de fraude ou plus généralement d’anomalie interne pour aider les départements d’audit et de contrôle de gestion. Dans un cadre externe, elle sert à l’évaluation de la solidité financière d’un client (ou d’un fournisseur), et peut donc permettre d’éviter de futures déconvenues en renforçant la vigilance via des processus dédiés à des entités détectées comme plus fragiles. Elle peut également aider les processus de vente, en classifiant les clients ou les leads les plus prometteurs. Dans certains business models à abonnement de type SaaS, où la prévisibilité des ventes est très réduite, elle permet d’établir des prédictions de croissance ou de churn rate qui peuvent s’avérer utiles pour établir différents scénarios. Concernant le marketing, l’analyse prédictive a fait ses preuves dans l’analyse de sentiment et la synthèse de feedbacks clients, permettant par la même occasion d’améliorer une image de marque et la relation client, mais aussi de manière plus avancée de détecter des KPI critiques dans la réussite d’une offre du point de vue client. Elle peut aussi aider à évaluer le ROI de certains projets, ou aider à affiner des business plans en fonction de conditions macro-économiques ou d’autres hypothèses.

Le danger reste d’accorder une trop grande confiance à ces prédictions. L’analyse prédictive reste soumise à des incertitudes (qui sont elles-mêmes parfois quantifiables via des intervalles de confiance ou des marges d’erreur). Elle ne doit donc rester qu’un outil permettant d’éclairer une décision justifiée à la lumière d’autres types d’analyses, non algorithmiques et non fondées sur du big data.

Pour aller plus loin

L’analyse prédictive déjà assez répandue permet de répondre à certaines problématiques comme la prévision des ventes sur une grande base de données historiques. Parmi les enjeux principaux des directions financières, le premier est sans aucun doute la gestion de la trésorerie. L’argent est le nerf de la guerre et les nouveaux outils disponibles peuvent aider à répondre à ce besoin fondamental. L’analyse prédictive aide ainsi à anticiper les besoins, effectuer les investissements semblants les plus rentables et piloter son activité.

En entreprise, les applications sont multiples, l’IA peut largement contribuer à l’augmentation des performances. Les grands distributeurs comme Carrefour et Auchan ont déjà mis en place des solutions afin de faciliter le parcours client sur leurs sites d’e-commerce. Par exemple, les distributeurs ont travaillé sur les solutions suivantes :

  • Utilisation de l’IA pour la gestion des stocks : Auchan utilise l’IA pour suivre les niveaux de stock de ses magasins et pour identifier les produits qui sont en rupture de stock ou qui sont sur le point d’être périmés. Cela permet à Auchan d’optimiser ses commandes, d’éviter les ruptures de stock ou le gaspillage alimentaire si des produits restent trop longtemps dans les entrepôts.
  • Utilisation de l’IA pour recommander des produits : Carrefour utilise l’IA pour recommander des produits aux clients en fonction de leurs habitudes d’achat. Cela va même jusqu’à composer des paniers de produits selon un budget souhaité, des contraintes alimentaires ou des idées de menus. Cela permet d’augmenter les ventes et de fidéliser les clients qui se tourneront plus volontiers vers une solution qui leur facilite les courses.
  • Utilisation de l’IA pour la gestion de la relation client : Auchan utilise l’IA pour répondre aux questions des clients, pour traiter leurs demandes de remboursement et pour gérer leurs réclamations. Cela permet à Auchan d’améliorer la satisfaction client et de réduire les coûts. (IA générative pour répondre aux questions des clients).

L’efficacité des automatisations comme constatée dans différentes entreprises laissent mieux appréhender l’intérêt et le bénéfice des IA. Ce qui est indispensable est l’analyse en amont et le diagnostic pour répondre convenablement aux besoins, par exemple, grâce à la méthode DMAIC du Lean Six Sigma. Une bonne image de l’existant permet d’utiliser le bon outil, il serait dangereux d’utiliser une masse très lourde pour planter un clou alors qu’un petit marteau peut suffire.

Dans les services financiers, le plus important est de minimiser les erreurs pour permettre des prises de décisions fiables. Cela passe d’abord par une analyse approfondie des processus, notamment avec le Lean et les outils Poka-Yoke (détrompeurs) qui vont servir à empêcher l’erreur, comme pour brancher un appareil sur une prise, il faut respecter un sens particulier pour y parvenir. Après la mise en place de solutions Lean il est possible de mettre en avant les possibilités d’amélioration ou les problèmes clés à traiter. Les automatisations types RPA, l’analyse prédictive ou l’IA interviennent dans cette phase, c’est-à-dire après car ces outils ont besoin de travailler sur des données structurées. On ne parle pas de l’IA comme d’une solution de première intention dans la résolution des problématiques de performance des processus financiers.

IA et Finance : comment se lancer ?

Avant de parler outils ou algorithmes, il est essentiel de poser des bases solides : des processus structurés, des données fiables et des objectifs clairs. C’est exactement l’approche proposée par Lean Lama. Grâce à une méthode structurée et pragmatique, nous aidons les directions financières à clarifier leurs priorités, identifier des cas d’usage pertinents et intégrer l’IA de façon progressive, sécurisée et efficace.

Notre accompagnement repose sur 5 étapes clés : analyse des besoins, cartographie des processus, feuille de route réaliste, pilotage agile du projet et ancrage dans la durée via l’amélioration continue. L’objectif : mettre en place des outils utiles, alignés sur vos enjeux, sans alourdir le quotidien des équipes.

Vous ne savez pas par où commencer ? Découvrez notre accompagnement Objectif IA et réservez un appel avec Morgane, notre experte Lean Finance. Ensemble, nous poserons les fondations d’une transition IA réussie, à votre rythme et selon vos priorités métier.

FAQ – L’IA dans les services financiers

L’IA est-elle réellement fiable pour les processus financiers ?

L’IA est déjà fiable pour certains usages spécifiques comme l’analyse prédictive, la détection d’anomalies, ou l’automatisation de tâches répétitives. Elle permet d’améliorer la qualité des données, de gagner en réactivité et de renforcer les contrôles. En revanche, pour des analyses complexes ou contextuelles (notamment via l’IA générative), la prudence reste de mise : un pilotage humain reste indispensable.

Quelles sont les différences entre IA générative et IA prédictive en finance ?

L’IA générative produit du texte, des images ou du code à partir de consignes. Elle peut assister dans la rédaction de rapports ou la synthèse de données simples. L’IA prédictive, quant à elle, repose sur l’analyse de données historiques pour anticiper des tendances : évolution de trésorerie, risques clients, fraudes, churn, etc. En finance, c’est souvent l’IA prédictive qui apporte le plus de valeur aujourd’hui.

Quels sont les prérequis pour intégrer l’IA dans un service financier ?

Avant d’intégrer l’IA, il est essentiel de :

  • Structurer les données existantes
  • Comprendre et cartographier les processus avec des outils Lean (Gemba, SIPOC, 5 pourquoi…),
  • Identifier les points de douleur concrets à résoudre
  • Impliquer les équipes dans une logique d’amélioration continue

Sans ces fondations, l’IA risque d’être inefficace ou mal utilisée.

Par quels types de projets IA une direction financière peut-elle commencer ?

Les projets les plus pertinents pour démarrer sont ceux à fort volume de données ou à tâches répétitives :

  • Automatisation de la saisie comptable
  • Prévisions de trésorerie,
  • Détection de fraudes ou d’anomalies comptables
  • Aide à la rédaction de rapports réguliers (via IA générative).

Commencer petit permet de sécuriser l’usage et d’en tirer des enseignements concrets.

Comment s’assurer que l’IA respecte la confidentialité des données financières ?

Il est crucial de choisir des outils conformes au RGPD et de s’assurer que les données sensibles ne quittent pas l’environnement sécurisé de l’entreprise. Certaines IA peuvent être déployées en local ou via des API sécurisées. Une gouvernance des données et des accès, en lien avec la DSI, est indispensable pour garantir la confidentialité des traitements.

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Morgane Kerros

Consultante Lean Finance

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